Index CIRCÉ


la séduction de la sorcière





    Et nous arrivâmes à l'île d'Aiaé ;
    là vivait Circé aux belles boucles, la terrible déesse
    à la voix humaine, soeur d'Aiétès aux cruelles pensées ;
    tous deux étaient nés d'Hélios, qui donne la lumière aux mortels,
    et avaient pour mère Persé, qu'Océanos avait eue comme enfant.
       Homère, Odyssée, X, 135-139

Fille d'Hélios, petite-fille d'Océan, indissolublement liée aux éléments primitifs de la création, le feu et l'eau, la lumière et l'obscurité, Circé est une terrible déesse, deinè théos, qui sait parler les langues des hommes et semble appartenir à une hiérarchie divine antérieure aux dieux Olympiens.

Son nom, Circé, est le féminin du mot kirkos, qui signifie faucon. Au plus dense de la forêt, loin de la civilisation et des cités des hommes, entourée de loups et de lions, la fauconne des lieux déserts est la déesse de la nature sauvage, maîtresse des fauves, une potnia thèrôn, souveraine des bêtes sauvages, encore une figure de la grande déesse qui personnifie la violence naturelle primitive, le principe de la vie et de la mort.

Un de ses traits caractéristiques est la Connaissance. Circé connaît les passages de la mer et ses pièges, les routes qui mènent au pays des morts et aux cités des vivants, elle sait les créatures de l'autre monde et leurs mystères, toutes les drogues salutaires ou néfastes et possède aussi les redoutables arts magiques, olophôia dènéa, (Odyssée, X, 289) capables de bouleverser l'ordre des choses.

Les navigateurs d'Homère la rencontrent dans son île enchantée, près des portes d'Hadès. La coupe de la déesse fait perdre aux compagnons d'Ulysse le souvenir du monde des humains, elle leur fait "oublier complètement la terre de leurs pères" (Odyssée, X, 236), alors qu'un coup de sa baguette magique métamorphose les hommes en porcs, les chasseurs en gibier. Seul Ulysse, à qui Hermès avait révélé le secret de Circé, fut capable de résister à ses enchantements, protégé qu'il était par un antidote. L'épée à la main, le héros dompte la femme aux machinations qui l'a emporté par sa ruse sur les compagnons et a menacé de lui faire perdre à lui-même sa puissance masculine. La magicienne qui, par ses artifices, a menacé de renverser l'ordre du monde, épouvantée, implorant sa pitié, s'échappe en laissant choir ses armes : la coupe et la baguette magique.

A partir de l'époque d'Eschyle, qui en fit l'héroïne d'un drame satyrique, Circé et sa légende nourrissent l'inspiration des poètes comiques. L'antique déesse de la nature sauvage, la magicienne toute-puissante, devient entre leurs mains une prostituée résolue, une femelle dangereuse qui, vivant hors de la loi du foyer conjugal, attend impatiemment de pouvoir, en usant des charmes de son sexe, saisir dans ses filets, pour le détruire, le mâle sans méfiance.

    "Selon moi, Circé n'est pas une déesse, pas même une sorcière.
    Elle n'est que le symbole du plaisir sensuel, instinct et ornement de la sensualité."
       G. Seferis, Essais II, 1974, p. 36.

 

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© MINISTÈRE GREC DE LA CULTURE - ICOM - COMITÉ NATIONAL HELLENIQUE
De Medée à Sapho - Femmes rebelles de la Grèce Antique
Athènes, Musée Archéologique National - 20 Mars - 30 Juin 1995